Prague à l'âme
Regards
Prague se donne des airs. C’est une crâneuse, une aguicheuse. Coquette, féminine, sensuelle, elle adore être regardée, admirée, convoitée.
Il faut dire qu’elle a tant à offrir à nos yeux éblouis !
Demandez donc à votre minou qui sera du voyage ce qu’il pense du déhanchement des souris pragoises
Même la p’tite Tautou, croisée sur le Pont Charles (je crois bien que c’était elle) est tombée sous le charme de la cité.
Parfois “Miss Prague” fait des manières, il lui arrive même d’être familière mais jamais elle n’est vulgaire.
Elle cligne de l’oeil et semble vous dire “mate-moi un peu ça !”
“Je t’offre mon vignoble qui descend en pente douce du château à la Moldau. Haha, what did you expect ?”
“et encore ça !”
“Voici mes pingouins qui scrutent les eaux de ma rivière”
“Regarde Edouard Bénès, un des fondateurs de la Tchécoslovaquie devant ma plus belle église :
Notre Dame de Lorette (Paris n’est pas la seule à honorer cette Dame)”
“T’as vu un de mes nombreux balcons délicatement ouvragés ?”
“Vise un peu ce détail de mon horloge astronomique”
“Que penses-tu de l’escalier art nouveau de mon Hôtel de Ville ?”
“Et mes livres, regarde quel écrin je leur réserve. T’en connais beaucoup des bibliothèques
comme celle-ci ?
“Aimes-tu mes toits ? Dis, aimes-tu mes toits ? Ils rougissent quand le soleil se couche.”
“Si l’envie te prend de prier, (on ne sait jamais), je t’offre mes églises, cathédrales et synagogues”
Le grand Mucha a réalisé ce vitrail pour ma cathédrale St Guy
Ma synagogue espagnole est devenue un musée.
"Sais-tu qu'on peut parcourir mes rues en voiture ancienne avec chauffeur?"
Même mes illustres morts sont fiers de dormir sous ma terre.
Mon cimetière de Vyšehrad ressemble à votre Père Lachaise en beaucoup plus petit.
“Avoue que tu as rarement vu autant de beauté en un si petit périmètre”.
Il faut bien reconnaître qu’elle n’a pas tort de crâner ainsi.
La belle slave a de sacrés arguments.
Attention, ses statues vous observent aussi parfois, mais sentez-vous libres malgré leurs yeux posés sur vous et promenez-vous jusqu’à l’épuisement !
Avant de vous affaler dans votre lit moelleux et de dormir d’un sommeil profond, goûtez donc le plat national, vous l’avez bien mérité. Il s’appelle le Vepřo knedlo zelo (porc rôti accompagné de choucroute et de knedlíky). Il vous calera bien pour la nuit, je vous le garantis.
Plat dégusté le premier soir dans la fameuse brasserie Plzenska Restaurace au sous-sol de la Maison Municipale.
Demain sera un autre jour (de visite et d’émerveillement)
Les saucisses de la Place Venceslas
Quand la nuit tombe sur la place Venceslas, une faune étrange sort de sa cachette et se rue à l’assaut des nombreux stands à saucisses.
Prostituées, voyous, ivrognes mais aussi touristes et Pragois distingués se mélangent plus ou moins joyeusement et dégustent ensemble une bonne et grosse saucisse grillée noyée sous la moutarde sucrée.
La pivo (bière) coule à flot et les esprits parfois s’échauffent.
En 2008 la mairie de Prague, soucieuse de l’image que doit laisser cette merveilleuse ville d’art auprès de ses innombrables visiteurs, a voulu nettoyer la place, la débarrasser de ces stands disgracieux et cacher ainsi ces pochards effrayants et ces femmes de petite vertu.
“Filez-moi un coup de balai sur tout ça”, ordonna le maire.
Que pensez-vous qu’il se passa ?
Eh bien les Pragois se révoltèrent et signèrent par milliers une pétition demandant le maintien des stands.
Ils ont même presque réussi à faire classer les «klobasa» tchèques (saucisses) au patrimoine mondial de l’Unesco.
La mairie a hésité entre l’envoi des chars (un vieux réflexe) et un virage à 180°. Elle opta finalement pour le virage et les stands trônent toujours fièrement sur les Champs Elysées pragois.
Moi je dis “tant mieux” car ces saucisses bon marché, bien que grasses, se laissent manger avec plaisir.
Et puis ne croyez pas qu’il n’y a que les boudins qui les apprécient, j’ai même vu des canons s’en régaler.
Ainsi donc le peuple tchèque a triomphé, mais pour combien de temps ?
Il a besoin de votre soutien et je suis ici son porte parole.
LONGUE VIE AUX SAUCISSES DE LA PLACE VENCESLAS !
Commentaire du 14 décembre 2012 : les stands sont provisoirement sauvés, grâce à la mobilisation des Qypers et autres internautes. Pourtant la municipalité menace à nouveau de les détruire. Ce n’est qu’un début, continuons le combat !
Instantanés
Prague est une ville qui se visite le nez en l’air, la tête dans les nuages ou les étoiles, les yeux pointés vers les sommets des immeubles et églises et l’index droit sur le déclencheur.
C’est fou ce que j’ai pu mitrailler !
Suivez-moi au hasard des rues et des quartiers sans ordre précis.
Perdons-nous ensemble dans la cité !
La Maison Municipale, décorée par Mucha
La surprise est à chaque coin de rue, sur chaque façade art nouveau, art déco ou baroque. Ici, c’est un bas relief qui attire votre regard, là un balcon ouvragé, là encore une plaque commémorative.
La rue Pařížská (rue de Paris) traverse Josefov, la ville juive. C’est la plus élégante de la ville
Marcher ainsi peut-être dangereux, vous pouvez faire de drôles de rencontres.
Baissez donc parfois les yeux pour ne pas trébucher sur ces bébés de l’île Kampa,
pour ne pas heurter ce garde devant le château,
pour ne pas vous retrouver à cheval sur ce vélo oublié par un ex membre du KGB
ou encore pour ne faire tomber ce roi mendiant
Si vous vous décidez parfois à baisser les yeux, une récompense peut vous attendre
comme ces anges en mini-jupes
ou cette nymphe photographe
Café Slavia
Le plus célèbre café littéraire de Prague mérite le détour pour les raisons suivantes que je cite en vrac :
- son superbe cadre art déco (oui encore)
- ses vastes baies vitrées qui donnent sur le Théâtre National, la Vlatava, le Pont Charles et le château
- ses serveurs en frac.
- ses pâtisseries, cafés et thés très honorables
- ses prix raisonnables.
L’établissement, ouvert depuis 1884, aux murs tapissés de photos des célébrités qui l’ont fréquenté, manque pourtant un peu de chaleur.
Peut-être sommes-nous mal tombés car les serveurs sont tristes comme un jour sans Pilsen Urquell (un Tchèque sans bière c’est malheureux comme un Italien sans vin, un Français sans fromage ou un Chinois sans riz, enfin vous avez compris, c’est très malheureux)
Ils pourraient quand même faire l’effort de sourire et de parler plus que le strict minimum.
Mais, nous ne sommes que des touristes après tout !
Les artistes et intellectuels tchèques qui continuent de s’assoir sur les profondes banquettes ont sûrement droit à un autre traitement. Enfin, je l’espère pour eux.
Installés sous le tableau représentant le buveur d’absinthe (Piják absintu) du peintre Viktor Oliva, nous observons le ballet de serveurs tristes.
Vous sentirez peut-être, si vous avez beaucoup d’imagination, planer au-dessus de vos têtes l’ombre de Franz Kafka, Rainer Maria Rilke, Jaroslav Seifert, Bedřich Smetana, Antonín Dvořák et celle des contestataires du Printemps de Prague.
Ils avaient tous leur rond de serviette, ici.
Le poète, prix Nobel de littérature, Jaroslav Seifert rendit hommage au Café Slavia à travers ces lignes :
“Par la porte secrète du quai de Vltava
D’un verre transparent
Jusqu’à l’invisible,
Aux gonds
Enduits d’huile de rose,
Guillaume Apollinaire arrivait parfois.
La tête encore cernée de pansement de guerre,
Il s’asseyait parmi nous
Et lisait des poèmes, beaux, brutaux,
Que Karel Teige traduisait sur l’instant.
En l’honneur du poète
Nous buvions de l’absinthe.
Elle était d’un vert
Plus vert que tous les autres,
Et si de notre table
Nous regardions par la fenêtre
La Seine coulait le long du quai.
Ah oui, la Seine !
Et pas très loin de là, sur quatre jambes plantées
S’élevait la Tour Eiffel…"
Aujourd’hui ce sont plutôt les Scandinaves en short et les Russes en mini-jupes qui peuplent l’établissement.
Autre époque !
Les Tchèques se consolent en se disant qu’elles sont infiniment plus agréables à regarder que les kalachnikov de l’armée soviétique.
D’ailleurs Vaclav Havel, homme de théâtre, puis président bien aimé, et grand habitué des lieux, préfère en sourire.
Il a toujours aimé observer les longues jambes des filles.
Vrtbovska Zahrada (Jardins Vrtba)
Ce jardin au nom imprononçable vaut à lui seul le voyage à Prague.
Il offre le privilège inouï, dans cette ville traversée par des hordes de touristes, d’être très peu fréquenté.
Vous y serez en compagnie d’oiseaux en liberté ou enfermés dans une grande volière et vous goûterez un silence étonnant en plein coeur de la capitale tchèque.
Il faut dire que l’entrée de ce petit paradis est presque aussi bien cachée que celle qui mène à l’Autre.
Vous la dénicherez au fond d’une cour, tout près de la très courue Eglise Saint Nicolas de Malá Strana.
Ce petit jardin baroque en terrasses à l’italienne est parsemé d’oeuvres d’art.
Il fut édifié entre 1715 et 1720 par le pragois Maximilián Kaňka, aidé d’ artistes très renommés de l’époque, le sculpteur Matyáš Bernard Braun et le peintre Václav Vavřinec Reiner.
Il était destiné à détendre le corps fatigué du plus haut burgrave du château de Prague, le comte Jan Josef Vrtba, derrière son palais de Malá Strana.
Monsieur le compte Vrtba venait-il tremper ses pieds délicats dans ce bassin où un putto livre une lutte sans merci contre un monstre marin ?
Sur une minuscule parcelle de terrain, le jardin réussit le tour de force de paraître grandiose grâce à ses terrasses aménagées en trompe-l’oeil.
Si, armés d’un courage d’explorateur, vous décidez de gravir les marches de du majestueux escalier central, vous serez récompensés de vos efforts par les vues superbes sur le château, les toits rouges et ocres, les dômes et clochers de Malá Strana.
Une des plus belles parties de Prague s’étale à vos pieds comme une offrande que vous avez bien méritée par cette chaleur estivale.